2022 : bonne ®entrée en lutte

Rentrée covidée sans protocole particulier

Après 2 années passées à laisser les personnels et élèves affronter la circulation du virus au gré des vagues, sans être en mesure, quand bien même cela aurait été sa volonté, de jouer son rôle de protecteur, notre employeur, le ministère de l’Éducation nationale, ne semble pas prêt à changer de cap pour cette rentrée 2022. Ainsi, nous allons vivre une énième rentrée dans des conditions plus que précaires qui, au-delà de notre propre santé et de celle de nos élèves, mettent la santé publique en jeu.

Laisser les écoles ouvertes martèle Blanquer. Certes mais encore ? À part laisser les fenêtres ouvertes, porter le masque en récréation, allonger notre temps de travail pour ne pas mélanger les groupes d’élèves, faire travailler les agent·es dans des conditions terribles pour assurer le nettoyage des locaux, que nous propose-t-on concrètement ?

Cela fait bientôt 2 ans que nous réclamons, non pas la fermeture des écoles mais leur sécurisation notamment et donc des masques FFP2, des capteurs CO2, des assainisseurs d’air, du personnel supplémentaire, du gel hydroalcoolique... 2 ans que nous n’obtenons rien d’autre que des protocoles de pacotille dont nous portons entièrement le poids en terme de pénibilité au travail.

La réponse faite par le rectorat de Paris aux syndicats qui, lors d’un groupe de travail sur la situation sanitaire, demandaient que du gel hydroalcoolique soit fourni dans les établissements scolaires est révélatrice de la politique gouvernementale pour sécuriser les écoles : du gel pour 6 mois pour tous les personnels, cela coûterait plus de 50 000 euros, il n’a pas les moyens. Cet argument des moyens, qui signifie seulement qu’il n’y a pas la volonté de dépenser de l’argent pour nous, montre combien nos vies, celles de nos élèves et de leurs parents, ne valent pas grand-chose, en dehors de leur force de travail et leurs capacités à permettre au système économique de fonctionner.

Une rentrée vacciné·es = une rentrée protégée ?

Les double discours des représentant·es de l’État ne doivent d’ailleurs pas nous tromper. Ainsi, derrière le mantra « vacciner, vacciner, vacciner », n’oublions pas que rien n’a été fait pour favoriser la vaccination des personnels au printemps dernier et qu’actuellement beaucoup de personnes qui souhaiteraient avoir une 3e dose de vaccin en sont empêchées du fait qu’elles enchaînent les situations de cas contact dans un contexte où nous sommes passé·es en moins de 10 jours d’une situation présentée comme stabilisée par tous les ministres à une situation hors de contrôle.

De même, alors qu’en France mais également dans plusieurs pays les taux d’hospitalisation des enfants pour COVID-19 ou pour PIMS (syndrome inflammatoire atteignant les moins de 12 ans environ 4 semaines après la contamination) ne cessent d’augmenter, il nous est rabâché que la meilleure protection des enfants est leur vaccination. Mais qu’en est-il des enfants de moins de 5 ans ? Qu’en est-il des enfants dont les parents ont fait le choix de ne pas les faire vacciner ? Qu’en est-il des enfants qui se font vacciner depuis le 20 décembre mais dont la protection ne sera pas effective avant 6 semaines après leur 1re injection ? Qu’en est-il de l’échappement immunitaire face au nouveau variant ? En d’autres termes, quels investissements sont consentis pour protéger les enfants ? Malheureusement ce ne sont pas des vaccino-sceptiques qui le disent mais l’OMS : la vaccination seule ne permettra pas de sortir de l’épidémie, c’est tout un système de prévention et de protection par rapport aux virus aérosols qu’il faut repenser.

Les écoles dernière chose à fermer, vraiment ?

À Paris nous faisons face à des taux de contamination encore jamais atteints (au moins 1 personne sur 50 est officiellement positive à la COVID-19), mais on nous martèle à longueur de journée que la France est le pays qui laisse ses écoles ouvertes. Blanquer dit d’ailleurs que c’est la dernière chose à fermer et on peut se demander s’il inclut les hôpitaux dans les endroits à fermer avant les écoles…

Ceci dit, les écoles, nous aussi nous les voulons ouvertes à toutes et tous. Notamment parce que nous sommes bien placé·es pour savoir que les conditions de vie et même de survie de plusieurs familles sont considérablement aggravées par leur fermeture, surtout si cette fermeture n’est ni préparée en amont ni accompagnée par des mesures sociales fortes (continuité de la restauration scolaire au moins sous forme de distribution alimentaire, prêt de matériel, organisation de sorties en extérieur pour les élèves). Au vu de la situation sanitaire actuelle on est toutefois en droit de se demander si, avec le brassage inhérent à un retour de vacances que beaucoup passent en famille, le retour dans des écoles non sécurisées ne risque pas de faire circuler davantage le virus et ne revient pas à jouer à la roulette russe avec un variant qu’on espère résolument plus doux sans savoir dans quelles proportions et sans en maîtriser toutes les conséquences éventuelles sur le long terme. Cependant, la fermeture des établissements scolaires, qui malheureusement risque à un moment de s’imposer et n’aura comme d’habitude pas été préparée en amont, ne sera pas une victoire si, sur la durée, nous n’obtenons pas les mesures de fond que nous demandons depuis 2 ans et pour lesquelles nous avons de nouveau écrit à la Ville de Paris et à la région Île-de-France :
- matériel de protection gratuit et adapté à un virus qui est de plus en plus transmissible : masques FFP2 pour les personnels et élèves qui le souhaitent, visières, gel hydoalcoolique, masques gratuits pour les élèves ;
- matériel permettant de contrôler la propagation d’un virus qui de par son mode de transmission essentiellement aérosol nécessite des mesures adaptées de contrôle et de renouvellement de l’air : capteurs CO2 et assainisseurs d’air ;
- embauche de personnel supplémentaire dans tous les corps et métiers pour assurer un service public de qualité et protecteur ;

Ce dernier point est essentiel puisque la question des moyens humains qui se réduisent drastiquement d’année en année a des conséquences de plus en plus aiguës dans les écoles. En effet, la situation sanitaire et ses montagnes russes émotionnelles mais aussi, et peut-être même surtout, la situation économique et sociale ne sont pas sans conséquences sur les états psychiques émotionnels de beaucoup d’entre nous et donc aussi sur nos élèves. Blanquer a beau se vanter que les résultats aux évaluations CP et CE1 se sont améliorés, nous sommes beaucoup à constater que de nombreux·ses élèves ne vont pas bien, ont des troubles accentués ou générés par le contexte que nous vivons et que dans les établissements scolaires nous ne sommes pas en capacité de les aider, faute notamment de personnel compétent en nombre suffisant.

(R)entrée en lutte

Face à un employeur incapable d’assurer la protection physique et psychologique des personnels et des élèves c’est à chacun·e de nous d’être responsable et d’être dans une autodéfense collective et offensive qui permette de nous réapproprier nos vies et de reprendre le chemin des conquêtes sociales qui ont jalonné l’histoire des exploité·es.

Notre sécurité et santé au travail n’a toujours été, pour la classe des exploiteurs dont font partie les gouvernant·es, qu’un concept creux et la santé de millions de personnes passe visiblement après une croissance économique dont 90 % de la population ne perçoit, au mieux, que des miettes. Ainsi, nos conditions de travail ne devraient pas nous surprendre : nous devons les corréler à nos conditions de salarié·es et au niveau des salaires. En effet, les salaires des 1res lignes que nous sommes sont à l’image des protections accordées face à l’épidémie : à un niveau minimal surtout quand on vit dans une des villes les chères du monde comme l’est Paris. Ils permettent à peine aux mieux loti·es ou mieux né·es d’entre nous de s’en sortir, c’est à dire de se nourrir et de se loger à peu près correctement et éventuellement d’avoir des loisirs et de partir un peu prendre l’air… mais guère plus. Le plus grand nombre, et notamment les AESH, les AED, les enseignant·es néo-titulaires et contractuel·es, les agent·es techniques, les mères isolé·es, les personnes contraintes de travailler à temps partiel, sont dans la survie et la débrouille quotidiennes entre logement insalubre ou très éloigné, colocation, petits boulots complémentaires, enchaînement des heures supplémentaires qui ont réussi à nous faire accepter que pour gagner plus il faudrait travailler plus. C’est aussi pour ça que nous nous inscrirons dans les luttes pour l’augmentation des salaires qui commenceront au mois de janvier et notamment sur ce sujet dans la journée de grève intersyndicale et interprofessionnelle du 27 janvier, journée qui dans l’éducation sera aussi plus particulièrement tournée vers les AESH qui sont parmi les salarié·es les plus exploité·es et sous payé·es en France. Les gagnants gagnants du capitalisme veulent nous voir au travail coûte que coûte, il ne tient qu’à nous de reprendre, le plus collectivement possible, l’offensive sur tous les terrains.

Dès lundi, la désorganisation risque d’être le maître mot dans les écoles et établissements scolaires. Réunissons-nous, discutons de nos conditions de travail, dans le contexte sanitaire mais aussi plus généralement car leur dégradation n’a pas attendu la COVID-19.

Plusieurs armes sont à notre disposition : registre de santé et sécurité au travail, droits d’alerte, droits de retrait, affichage de revendications devant les écoles, affichages de classes fermées, de personnels non remplacé·es, de nombre de contaminé·es… mais aussi la grève. SUD éducation Paris a déposé un préavis de grève pour cette période, et se tiendra aux côtés de toutes celles et ceux qui subissent cette désorganisation et soutiendra les initiatives de luttes et de contestation.

Rappelons à ces irresponsables - dont la plus grande inquiétude n’est absolument pas qu’on soit malades mais absent·es - que sans nous le pas cadencé de la marche économique risque de trébucher.