Censure des voix palestiniennes : le rectorat de Paris déprogramme le film Wardi du dispositif Collège au cinéma !

Communiqué de SUD éducation Paris

Nous avons appris avec stupeur l’annulation de la programmation du film Wardi dans le cadre du dispositif Collège au cinéma à Paris, qui permet aux collégien·nes de découvrir des oeuvres cinématographiques et de mener des débats et échanges en classe. Le film de Mats Grorud a été programmé initialement pour la saison 2023-2024 et suit la trajectoire d’une jeune palestinienne de onze ans vivant dans un camp de réfugié·es à Beyrouth. Dans la brochure de Collège au cinéma, le film est présenté comme un film d’animation sensible, dont le personnage principal avec « ses grands yeux ouverts sur la cité, s'impose comme l'intermédiaire idéal pour transmettre les paroles intimes aux spectateurs de tout horizon » ; on y parle aussi de l’intérêt d'inscrire « les récits personnels de migration dans une optique plus symbolique et universelle ». Car Wardi, qui grandit dans un camp de réfugiés à Beyrouth, se met en quête de l’histoire de sa famille et apprend qu’elle a été expulsée de son village en Palestine en 1948.

Mais voilà que le rectorat de Paris annonce par mail le 12 octobre l'annulation de sa programmation, en raison d'un « contexte d’extrêmes tensions internationales et de ses conséquences potentielles sur notre territoire ». Comment comprendre une telle annulation ? Les œuvres cinématographiques, miroir du monde, sont-elles devenues malvenues ? Un film qui évoque la Palestine de 1948 à nos jours n'était-il pas, précisément, une aubaine à saisir par les équipes pédagogiques pour évoquer non seulement le sujet des "réfugié·es" comme le dit la brochure, mais aussi la situation historique des Palestinien·nes ? A moins qu'il ne s'agisse précisément de censurer un film qui traite des souffrances vécues par le peuple palestinien?

Alors que les habitant·es de Gaza sont bombardé·es quotidiennement par l’armée israélienne depuis maintenant plus d’un mois et subissent un génocide, faisant plus de 10 000 mort·es dont la moitié sont des enfants, les manifestations de soutien envers le peuple palestinien ont été tour à tour dénoncées, instrumentalisées et criminalisées. Une vague de déprogrammation d’artistes palestinien·nes de différents événements culturels a également eu lieu depuis le 7 octobre, participant ainsi à l’invisibilisation et à l'altérisation du peuple palestinien, de son histoire et sa culture, et passant ainsi sous silence plus de 70 ans d'occupation, de colonisation et de mise en place d'un régime d'apartheid par l’État d’Israël.

Nous ne pouvons que faire un parallèle avec la déprogrammation du film Wardi.

Quel message veut donc faire passer le rectorat de Paris ? Qu’il faut taire les situations d’injustice et de colonisation sous prétexte que cela attiserait des tensions ? Que les professeur·es ne pourraient pas parler de la Palestine, de camps de réfugié·es, de la guerre en cours et que des collégien·nes ne seraient pas en mesure de réfléchir et de comprendre des événements complexes ? Que la vie des palestinien·nes et leur histoire ne mérite pas d'être racontée ?

Les collégien·nes sont pourtant au courant de l’actualité et s'interrogent légitimement sur ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Leur permettre de visionner un film comme Wardi ne serait-ce donc pas leur donner des clés de compréhension sur la situation en Israël et en Palestine ? N’est-ce pas justement le rôle de l’école et des dispositifs comme Collège au cinéma d’élargir l’horizon des élèves, d’aborder la complexité du monde et de leur permettre de développer un esprit critique ? N'est-ce pas aussi le rôle de l'école d'être un lieu où la parole et les échanges sont favorisés?

Cette déprogrammation décidée le 12 octobre, à l'heure où la suspicion était systématiquement jetée sur les voix s'élevant pour signaler qu'un génocide était en cours dans la bande de Gaza, apparaît à nos yeux comme un acte de censure. Cette censure est d'autant plus insupportable qu'elle participe à la stigmatisation d'une partie de nos élèves, racisé·es, sur lesquels sont projetés des préjugés, comme si ces élèves ne pouvaient pas parler de la Palestine et comme si cela allait obligatoirement être source de conflits. Cette déprogrammation s'inscrit donc dans toute une série d'interdictions et d'instrumentalisation qui nourrit à la fois antisémitisme et islamophobie. En ce sens, elle est totalement irresponsable.

De plus, la programmation du film a été maintenue dans d’autres académies comme le Val-de- Marne, la Lozère, le Lot-et-Garonne et la Marne.

SUD éducation Paris dénonce la déprogrammation du film Wardi du dispositif Collège au cinéma et demande à ce qu’il soit réintégré à la programmation.

SUD éducation Paris dénonce également toutes les tentatives d'invisibilisation, d'instrumentalisation et de censure de l'histoire du peuple palestinien.

 

Solidarité Palestine : cessez-le-feu maintenant ! Pour une paix juste & durable !