Déclaration liminaire au CSA du 11 décembre

Nous n'allons pas donner dans l'originalité pour ce dernier Comité Social d'Administration de l'année et allons donc enchaîner les situations qui posent problème et sont emblématiques de l'État social en marche :

Nous commencerons par les personnels AESH qui sont en même temps animateurs et animatrices pour la ville de Paris, avec des salaires de misère obligeant le double emploi. Ces personnels se voient régulièrement mettre sous pression concernant les formations et réunions proposées ou convoquées par la ville de Paris. L'ubiquité n'étant pas encore une compétence nécessaire pour ces "ouvrier·es spécialisé·es" de l'inclusion que sont les AESH, ces formations et réunions leur sont régulièrement refusées par les IEN. C'est une fois de plus du mépris pour ces personnels et pour les élèves en situation de handicap qui ont besoin d'être accompagné·es par des gens formé·es, que ce soit sur le temps scolaire ou le temps périscolaire.

Pour continuer sur les AESH, nous constatons des velléités d'imposer un pointage les concernant. Les AESH seraient donc les seuls personnels à qui l'on demande d'émarger ?Au-delà de l'aspect discriminatoire, cette demande est dégradante et infantilisante pour ces personnels qui sont déjà bien malmené·es au quotidien. La preuve en est la question des primes REP et REP+ pour laquelle il a fallu mener une bataille de plusieurs années qui a conduit à SUD éducation jusqu'au conseil d'état. Aller jusqu'au conseil d'état pour accorder une prime à des personnels qui vivent avec des salaires de misère, cela pose question...

Concernant l'école inclusive encore et toujours, certaines classes dans la voie professionnelle scolarisent jusqu'à 5 ou 6 élèves avec des notifications MDPH mais sans aucun·e AESH pour les accompagner, laissant les personnels, les familles et les élèves dans le désarroi. L'école inclusive repose de plus en plus sur ses propres moyens, mais soyons honnêtes : la pédagogie ne peut pas tout.
Nous n'attendons malheureusement pas d'autre réponse que "On sait, on compatit" ou "On fait avec les moyens qu'on a" ou bien encore "L'école inclusive ne doit pas reposer exclusivement sur l'attribution d'un-e AESH". Mais il est de notre responsabilité de vous alerter que sur cette question, ça craque de partout et pas seulement en lycée pro : services publics de santé saturés, plus d'un an d'attente dans les centres d'adaptation psychopédagogiques, paupérisation croissante qui fait que les familles ne peuvent avancer les soins...

Les dysfonctionnements administratifs, sans doute dus au fait que les agent·es du rectorat sont en nombre insuffisant et travaillent à flux tendu - ce que nous dénonçons - s'accumulent également laissant dans leur sillage des personnels en souffrance.

Quelques exemples :

- Les demandes de cumul d'activité : de nombreux·ses personnel·les ayant formulé des demandes de cumul d'activités sur Colibris depuis le début de l'année sont encore sans  réponse de l'administration. Cette absence de réponse et l'opacité de ce traitement dématérialisé ne sont pas sans conséquence : des collègues ne perçoivent pas la rémunération de leur cumul ou se retrouvent forcé·es à abandonner leur cumul, faute d'autorisation.

- Le traitement du respect de l'identité d'usage des personnes transgenres : les services académiques, pour d’obscurs motifs informatiques, ne respectent pas le prénom et la civilité sur tous les supports administratifs, et nous devons régulièrement batailler pour cela. Ce non respect fait partie du continuum des discriminations que subissent les personnes transgenres.

- Le retard de transmission de documents nécessaires pour s’inscrire à France Travail, renouveler des titres de séjour ou déposer des demandes de naturalisation : ces retards plongent les personnels les plus précaires dans des situations très difficiles, que ce soit sur le plan économique, administratif ou psychologique.

Le rectorat de Paris n'est bien sur pas le seul responsable des maltraitances infligées aux personnel·les et aux usager-ères. Derrière ces maltraitances, il y a l'ombre du ministère.

Bien sûr on pense aux restrictions budgétaires qui occasionnent fermetures de postes et annulations de dispositifs tels les colos apprenantes ou la dégradation des conditions d'accueil des élèves allophones arrivants. Mais il y a aussi les réformes décriées qui continuent de s’appliquer et malmènent personnels et élèves.

Pour exemple, la réforme de la terminale bac pro, pour laquelle le ministère persiste malgré le chaos provoqué dans les lycées pro. Reconnaissant à demi-mot l'échec du parcours en Y, il ramène ce parcours de 6 à 4 semaines et le ré-intitule "parcours personnalisé". Pourquoi s’obstiner à faire marcher, sur le dos des élèves, une réforme très mal conçue, si ce n'est de répondre aux lubies de "l'entreprise apprenante" ?

De même, la généralisation de l'orientation précoce en 3e prépa-métiers qui conduit à regrouper des élèves rejeté·es par le collège, parfois en attente de décisions MDPH ou avec des troubles du comportement notables. Avec des effectifs de classe à 24, on impose aux élèves comme aux équipes des conditions de scolarisation impossibles.

Au-delà du seul ministère, c'est la société toute entière, à l'image du gouvernement qui dysfonctionne. Le traitement réservé à la jeunesse est en cela emblématique. De chair à patrons, les enfants, notamment celles et ceux des classes populaires et les enfants dit-es réfractaires, sont devenu·es chair à répression et chair à canon.

Le rectorat de Paris n'est pas en reste dans cette logique, et l'école académique de la formation continue propose un partenariat avec Thalès pour accompagner l'orientation des élèves et l'éducation à la défense : bel emblème pour l'éducation morale et civique qu'un partenariat avec une entreprise qui sème la mort et est mise en cause dans plusieurs procès pour corruption, espionnage de l'ONU, violation d'embargo et trafic d'influence.

L'hébergement des jeunes dits mineur·es non accompagné·es et le petit jeu avec la mairie est l'un des derniers sujets que nous aborderons dans cette déclaration, au risque toujours de manquer d'originalité, mais à défaut d'être originales, vous reconnaitrez que nous sommes obstinées.

Depuis environ un mois, la mairie de Paris a informé qu'elle comptait remettre en route un dispositif s'apparentant à feu le dispositif lycéen pour héberger les dizaines voire les centaines de lycéen-nes qui dorment à la rue. Les établissements confrontés à ces situations terribles ont donc commencé à faire remonter les noms de leurs élèves concerné·es et se sont fait réprimander par la cheffe du service social d'aide aux élèves qui leur a demandé de ne pas donner de faux espoirs aux jeunes.
Nous posons donc officiellement la question en CSA : l'Académie de Paris va-t-elle s'associer à la mairie de Paris pour mettre en place un dispositif d'hébergement des lycéen·nes à la rue ?
Plutôt que de donner de faux espoirs, notre syndicat craint un monde où les jeunes, que ce soient nos enfants ou les enfants altérisé-es, n'en auraient plus et où chacun·e continuerait à passer devant des corps allongés par terre en faisant comme si c'était normal ou en détournant juste le regard.

Face à cela, nous faisons nôtre cette phrase de Marek Edelman, un de ces êtres humains qui a éclairé les temps sombres passés et donne du courage pour affronter les temps sombres qui s'annoncent :

« Il ne faut pas rester passif face au mal. Le témoin indifférent qui a détourné le regard est lui aussi responsable ; il restera souillé pour le restant de sa vie par le mal qu'il a tenté d'ignorer » (Marek Edelmann).