Déclaration liminaire de SUD éducation Paris à la CAPA Refus titularisation BOE le 8 juillet 2022

Mesdames et Messieurs, Camarades, membres de la commission, lors de la dernière CAPA en date du 7 avril 2022, nous avions terminé ainsi notre déclaration liminaire… alors que « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ».

Nous ne pensions malheureusement pas si bien dire. Alors que l’extrême droite fait un retour massif à l’AN, les députés LREM, LR… voire certains syndicats accompagnateurs évoquent l’équivalence entre extrême droite et soi-disant extrême gauche.

C’est avoir peu de connaissances historiques, sociales et politiques voire n’avoir aucune conscience politique que de s’abaisser à de telles comparaisons.

C’est pourtant ce que fait M. Ndiaye nouveau ministre, Historien successeur de M. Blanquer, battu non pas aux champs catalauniques, mais plus modestement dans la 4ème circonscription du Loiret après avoir saccagé l’Éducation Nationale, période École de la confiance.

Car c’est bien de destruction dont il est question. Sans vouloir être exhaustif, les exemples sont légions : fin du diplôme national du baccalauréat, diminution des enseignements des mathématiques, accroissement des inégalités fille/garçons dans le choix des spécialités, accroissement des inégalités selon les catégories sociales dans le choix de ces mêmes spécialités ainsi que dans les orientations post-bac avec le maintien de la plate-forme Parcoursup, déstabilisation des classes, groupes surchargés, capolarisation des élèves via le SNU, surveillance généralisée vis l’application Santorin, détérioration des conditions de travail et d’apprentissage, crise du recrutement…

Le chantier est immense, mais qu’attendre du nouveau ministre dont les pas s’inscrivent dans ceux de M. Blanquer. Nous sommes malheureusement toujours dans la continuité de la rupture. Rupture avec les exigences d’un service public d’éducation de qualité, laïc, égalitaire et émancipateur.

La déclaration de politique générale de Mme la Première Ministre ainsi que la circulaire de rentrée ne mentionnent aucune rupture avec les cinq années précédentes.

Madame Borne a commencé sa déclaration ainsi : « Plus que jamais, nous mènerons chaque réforme en lien étroit avec les organisations syndicales et patronales. Nous avons besoin d’elles et elles savent qu’elles trouveront en moi une interlocutrice franche, constructive et déterminée ».

Demie-vérité, c’est bien aux patronat que l’École est livrée avec la nomination de Mme Grandjean ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels dans le nouveau gouvernement. Elle est placée sous la double tutelle des ministres du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.

Durant la campagne présidentielle, Mme Grandjean a promu une réforme de l’enseignement professionnel « sur le modèle de l’apprentissage », présenté comme une solution magique, il n’est en réalité pas adapté à l'immense majorité des publics accueillis en lycées professionnels.

On peut craindre l’élaboration d’une carte des formations calquées sur les besoins exprimés par les organisations patronales ainsi qu’une liquidation progressive des lycées professionnels, en atteste un décret paru au Journal Officiel le 21 juin qui prévoit la possibilité pour les PLP d’exercer leurs fonctions dans les collèges ainsi que dans les lycées généraux et technologiques (décret n° 2022-909 du 20 juin 2022 relatif à l’exercice des fonctions des professeurs des écoles et des professeurs de lycée professionnel).

Loin d’être une reconnaissance des qualifications des PLP, souvent en pointe dans les innovations pédagogiques, il s’agit plutôt d’anticiper la destruction d’un corps et d’un statut dans un contexte de très grave crise de recrutement des professeurs 1/4 des postes non pourvus ; ainsi que d’une progression inégalée des démissions.

Nul besoin de feindre la surprise de la part du Ministère, il s’agit bien de casser progressivement les statuts et de diviser les personnels : 3 formes différentes de stagiaires pour les nouveaux entrants dans la profession, accroissement considérable des contractuels dans le second degré, + 6 points en 10 ans ainsi que dans le 1er degré. Est-il nécessaire d’évoquer les différents job dating et le mépris adressé à l’ensemble d’une profession ?

Il en est de toute façon de même pour tous ceux qui peu ou prou s’investissent pour l’Éducation Nationale : personnels administratifs, agents de collège ou de lycée, personnels médicaux-sociaux, AED, AESH dont certains sont d’ailleurs recrutés par des officines privées (Banc de l’école, Autisme sans frontière par exemple…)… les conditions de travail ne cessent de se dégrader, les statuts sont attaqués et le pouvoir d’achat diminue.

Ce ne sont pas les 3,5 % augmentation du point d’indice qui pourront nous satisfaire alors que les agents de la fonction publics ont perdu près de 20 % de PA en l’espace de 10 ans notamment à cause du gel du point d’indice.

Le salaire brut de début de carrière des enseignants étaient d’environ 2,2 fois le SMIC en 1980, l’écart n’est plus actuellement que de 1,1 selon l’économiste Lucas Chancel. Certes, le nouveau ministre fait le show en annonçant un salaire net de départ de 2000 euros en 2023, alors qu’il faut en moyenne 15 ans d’ancienneté pour percevoir un tel montant, cela ressemble tout simplement à un effet d’annonce, tout comme la promesse « d’un choc d’attractivité ».

Ce qui nous attend c’est bien la charge de tâches nouvelles, un nouveau contrat, comme l’ a souligné Mme Borne, travailler plus pour essayer de ne pas perdre davantage.

Mme Borne et M. Ndiaye préconisent des concertations avec l’ensemble de « la communauté scolaire », ne soyons pas dupes, il y a des cabinets de conseils tels MacKinsey, Capgemini pour cela.

D’autant que dans son discours de politique générale, la 1ère ministre a évoqué « la responsabilité budgétaire ». En 2026, nous devrons commencer à baisser la dette. En 2027, nous devrons ramener le déficit public sous les 3%". Mais en même temps, il ne s’agit pas d’augmenter les recettes, donc les impôts, notamment des plus riches.

Mme Borne a même annoncé la suppression de 8 milliards d'impôts sur les entreprises en 2023. D’un simple point de vue mathématique, on ne peut s’attendre qu’à un déficit public. On comprend mieux l’annonce du maintien de la réforme des retraites. Et il y aura, parions-le, des syndicats pour discuter de l’équilibre soit des comptes publics soit des comptes de la protection sociale.

Se focaliser sur la question de l’équilibre du régime des retraites c’est déjà avoir perdu le combat syndical. Dans la situation actuelle, le pseudo paritarisme instauré par les ordonnances Jeannenay de 1967 dépossèdent les travailleurs de l’autorité de la gestion des caisses de sécurité sociale, qui de 75 % des voix passent à 50 %.

Donc dans ce nouveau combat qui s’annonce pour défendre le système de retraite, il ne s’agit pas uniquement d’une question de gestion mais d’une question politique, il convient de maintenir l’autorité des travailleurs sur les risques sociaux mis à jour par le CNR (vieillesse, accidents du travail, chômage…).

Les travailleurs sont les mieux à même de défendre leurs intérêts de classe. « Pour que la vieillesse ne redevienne jamais l’antichambre de la mort, mais qu’elle demeure à tout jamais une étape de la vie ».

Il en est de même dans notre champ de syndicalisation, nul besoin de pseudo-concertations, SUD éducation Paris revendique :

  • le rattrapage de la perte de rémunération depuis le gel du point d’indice en 2010 ;

  • pas de salaires à moins de 2000 euros nets ;

  • une refonte des grilles indiciaires des agent·es, pour garantir que plus les salaires sont faibles, plus ils seront augmentés ;

  • le recrutement des personnels sous statut à hauteur des besoins ;

  • a minima la garantie que les précaires bénéficient de la même grille pour leurs salaires, tenant compte de toute leur ancienneté professionnelle ;

  • la suppression de Parcoursup, du bac Blanquer ; la fin de la casse des LP et une véritable revalorisation des filières professionnelles ;

  • la nationalisation sans contrepartie des établissements privés sous contrat ainsi que la fin du Concordat d’Alsace Moselle, pour une véritable école publique gratuite et laïque.

Dans ces conditions alors, « l’école de l’excellence, de l’égalité et du bien être ne sera pas uniquement un slogan vide de sens ».