Derrière Betharram, il y a…

Prise de parole de SUD éducation Paris lors du rassemblement le 14 mai 2025 devant l'Assemblée Nationale, jour de l'audition de François Bayrou devant la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Betharram (appelé par les collectifs Enfantiste et Nous toutes).

 

"Nous prenons la parole aujourd’hui en tant que syndicat de personnels d’éducation qui avons à cœur le bien-être et des enfants et le souci du monde qu’on leur laisse et que l’on construit avec elles et eux. Plus on avance dans l'âge et les épreuves de la vie plus on prend conscience que ce qu'on n'a pu vivre dans notre enfance peut nous donner de la force.

Ces petits moments de bonheur auxquels on a droit ou pas  pendant l'enfance nous servent toute notre vie. Ces petits moments de bonheur qu’on retrouve à travers une odeur, un bruit et qui nous donnent de la force, pour d’autres, ce sont des expériences de maltraitance qui se sont enchaînées durant l’enfance et vont les hanter toute leur existence...

Aujourd’hui, le premier ministre passe en commission d’enquête sur ses oublis, ses trous de mémoire, ses confusions… appelons ça comme on veut (ou comme il veut) mais n'oublions pas que l'affaire de Betharram et les mensonges de Bayrou c'est un peu l'arbre qui cache la forêt.

Derrière Betharram et Bayrou, il y a le privé qui en France est favorisé par rapport au service public et donc la déliquescence du service public d’éducation. Quand nous évoquons cela les chef·fes du rectorat disent qu’il ne faut pas relancer la guerre scolaire. Et bien à SUD éducation Paris, nous disons si, relançons la guerre scolaire et sociale et faisons en sorte que plus un denier public n’aille au privé !

Derrière Betharram il y a Stanislas, Saint-Dominique de Neuilly, Saint-Michel de Picpus, Saint-Joseph de Nay... toutes ces institutions privées qui ont pignon sur rue et où des enfants sont maltraité·es dans un silence assourdissant.

Derrière Betharram il y a le racisme d’État, l'islamophobie et l'asymétrie de traitement. Ainsi, dans des écoles privées catholiques, mauvais traitements, coups, sévices ça passe crème. Mais quand il s’agit d’une école privée de confession musulmane, le moindre prétexte sert à fermeture. Et si on ne trouve pas de prétexte, on en invente !

Derrière Betharram il y a la barbarie de la classe privilégiée et du capitalisme. Le marche ou crève et l’idéologie du plus fort. C’est cette idéologie qui permet qu'on tolère que des enfants soient maltraité·es et victimes. Combien de gens se disent « après tout si on est passé par là, les plus jeunes peuvent aussi » ou « ça apprend à vivre » ? Et ainsi la violence se reproduit et se perpétue de génération en génération.

Derrière Betharram et Bayrou il y a des Darmanin, des Bigorgne et de dizaines de prédateurs sexuels impunis qui caracolent dans les bureaux et salons des ministères ou de l’Assemblée.

Betharram, c'est l'arbre caché des violences d'État que subissent des milliers de jeunes trop racisés, trop pauvres, trop politisés, dans des dynamiques d'émancipation sociale. Des jeunes qui subissent les contrôles au faciès, les violences policières lors de blocages ou dans les quartiers populaires. Des jeunes mineur·es isolé·es obligé·es de dormir sous les ponts, des jeunes à qui on nie tous les droits et donc le droit à l’enfance. L’expulsion ultra violente de la Gaité lyrique, ce théâtre occupé par les mineur·es non accompagné·es du Collectif des Jeunes du Parc de Belleville, le 18 mars dernier, en est l’exemple parfait.

La façon dont les enfants à la charge de l’aide sociale à l’enfance sont traité·es ou mal traité·es est également emblématique du scandale des maltraitances volontaires ou maltraitance par manque de soins que subissent les plus jeunes. De récentes études indiquent que les personnes prises en charge par l’ASE ont une espérance de vie inférieure aux autres de 20 ans. 20 ans d’espérance de vie en moins, cela devrait faire réfléchir chaque adulte que nous sommes.

Évidemment, pour les gens qui gravitent autour du gouvernement et du pouvoir, ces enfants ce ne sont pas les leurs, ce sont les enfants des « Autres » et des « Autres » eux et elles-mêmes. Mais du coup, une question s’impose : qu’attendre de gens qui ne sont même pas en capacité de prendre soin de leurs propres enfants ? De gens qui font passer leurs idéologies conservatrices, leurs relations et leur capital social avant leurs propres enfants?

Ce sont les apparences si chères à la bourgeoisie et son soi-disant charme discret qui ont donc permis que pendant des dizaines d'années des enfants soient maltraité·es et exploité·es sexuellement. Alors, oui, Bayrou doit dégager ! Mais au-delà de ça, rappelons nous d’une chose : ce pourquoi il faut nous rassembler et nous organiser c’est pour mettre fin aux systèmes de domination et d’exploitation qui font que dans ce pays si on est un·e enfant, si on est une femme, si on est racisé·e, si on a une orientation sexuelle non binaire, si on est handicapé·e et plus généralement si on est pauvre, on est une victime potentielle des prédateurs de toute sorte. Ces prédateurs et leurs complices sont au sommet de l’État et si nous aurions dû nous organiser depuis longtemps pour la démission de personnages comme Darmanin, c’est en fait tous les rouages d’un état qui permet toutes ces dominations qu’il faut abattre."