Le nouveau ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, a largement réussi sa rentrée ! Est-il d'ailleurs le véritable ministre de l'éducation nationale tant les interventions de Macron et de son épouse, cette dernière n'exerçant aucun mandat politique, sont répétées dans ce domaine ajoutant ainsi de la confusion à une situation calamiteuse ? En effet, de nombreuses classes sont sans professeurs, des enseignant·es sont recruté·es à Pôle emploi et doivent faire leur premier cours sans avoir reçu aucune formation, des classes surchargées s’entassent dans des locaux vétustes où la température peut monter jusqu’à 40 degrés, des parents ne parviennent plus à acheter les fournitures scolaires ou à nourrir correctement leurs enfants, des professeur·es n’arrivent plus à payer leur loyer… Voilà la réalité de l’école publique et de la société française aujourd’hui !
Parallèlement, la méthode du bouc émissaire, qui permet d'offrir en pâture et d'exposer à la violence et à l'injustice une personne ou un groupe de personnes, est à l’œuvre.
La médiatisation à outrance du port de l’abaya par le gouvernement ne sert pas seulement à détourner l'attention mais à fabriquer un problème musulman qui révèle l'islamophobie et le racisme des élites politiques et médiatiques en France.
La police du vêtement à l'école pérore aussi sur l'imposition de l’uniforme.... comme si ce dernier permettait de gommer les inégalités sociales. Dans le même temps, il cherche à étendre le SNU à toute une classe d’âge. Nationalisme, militarisation, fabrication d'un·e ennemi·e intérieur·e... Ces recettes éculées d'un gouvernement réactionnaire qui allume le feu qu'il prétend éteindre ne peuvent que nous effrayer.
Une pénurie organisée
Contrairement à ce que ressasse la propagande ministérielle, nous sommes loin d'avoir un·e enseignant·e devant chaque classe lors de cette rentrée 2023. Les choix économiques et idéologiques du gouvernement en sont la cause : 1500 postes ont encore été supprimés tandis que 1800 n’ont pas été pourvus au concours de recrutement. A Paris, plus de 200 classes et 7 lycées ont fermé alors que la France est le pays de l’OCDE où les effectifs par classes sont les plus lourds comme le montre une étude ministérielle de décembre 2022. Aujourd'hui il devient exceptionnel qu'un·e prof·fe malade soit remplacé·e, même si cela dure plusieurs semaines.
Les classes sans enseignant·es sont nombreuses mais les élèves sans classe le sont aussi.
À ce jour, 860 élèves n'ont pas reçu d'affectation dans l'académie de Paris.
La pénurie, c'est aussi celle d'AED, d'AESH, d'infirmiers et d'infirmières, d'assistant·es sociaux...
Bénéficier d'une aide spécialisée ou d'un rendez-vous avec un·e psychologue scolaire peut prendre plusieurs mois voire ne jamais se concrétiser faute de personnel. Le dépistage en milieu scolaire et les programmes de prévention décroissent alors même que tous les spécialistes pointent que la santé physique et surtout mentale des jeunes se dégrade considérablement. La compensation d'un handicap par une aide humaine est de plus en plus limitée à un très petit nombre d'heures par semaine au nom d'une mutualisation des aesh qui sert à masquer la difficulté à en recruter faute d'un salaire et d'un statut décents. L'essentiel pour beaucoup de nos élèves va bientôt se réduire à apprendre à lire, écrire, compter suffisamment mais pas trop, juste ce qu'il faut pour être exploitable sur le marché du travail.
Des personnels maltraités
Hasard du calendrier, l'entrée en application le 1er septembre de la réforme des retraites qui allonge pour toutes et tous la durée du travail et contre laquelle une mobilisation d'ampleur a eu lieu pendant 6 mois est emblématique de la maltraitance croissante dont les travailleurs et travailleuses, dans l’Éducation nationale comme ailleurs, sont victimes.
Aucune des dispositions prises par le gouvernement n’améliore les conditions de travail des personnels de l’éducation nationale : AED, AESH, enseignant·es, tou·tes sont victimes d’un discours gouvernemental mensonger sur cette amélioration. Ne soyons pas dupes : la CDIsation des AED et AESH recèle des moyens très inventifs pour reprendre d’une main ce qui a été accordé par l’autre. L’arrêté relatif à la rémunération des AED a été modifié en août MAIS il ne prévoit qu’un seul indice pour les collègues en CDI. La grille indiciaire des AESH a été revalorisée MAIS la montée en indices des 1ers échelons qui correspondent aux neuf premières années d’exercice est ridicule. Ce ne sont pas les salaires qui ont été augmentés de 10 %, mais le budget alloué à la rémunération, sans préciser l’effet sur les salaires : pour les collègues aux plus bas échelons, c’est toujours une rémunération sous le seuil de pauvreté qui les attend à chaque fin de mois.
Quant aux enseignant·es, la revalorisation historique annoncée par le gouvernement est un leurre de plus. Les mesures dites « socle » ne représentent qu’une augmentation de 5,5 % du salaire en moyenne. Face à l'inflation, près de 70 % des collègues vont perdre en pouvoir d’achat. La partie « pacte » qui conditionne à une augmentation du temps de travail la hausse de salaire torpille des conditions de travail déjà dégradées : elle crée la concurrence entre collègues, accroît le pouvoir hiérarchique des chef·fes d’établissement et augmente les inégalités de traitement entre enseignant·es du 2e degré et du 1er, qui devront ajouter à leur emploi du temps déjà plus chargés d'aller dans le collège de secteur pour assurer la mission prioritaire d'accompagnement en 6e.
Ce n’est pas avec des heures supplémentaires que l’on comblera le manque criant d’enseignant·es, et ce n’est pas en dégradant les conditions de travail des enseignant·es qu’on résoudra la crise de recrutement. Mais ce n'est pas le but de ce gouvernement : il s'agit pour lui de faire tourner les établissements scolaires sans recruter davantage et rester dans la logique du travailler plus pour gagner plus.
Précarisés, les personnels de l'éducation nationale sont de plus en plus soumis à l'autoritarisme des différents échelons de la hiérarchie. Le renforcement de la loi Rilhac lors de son décret d'application en août 2023 en confirme un de plus dans le 1er degré : les directeurs et directrices d'école, désormais rouages de l'autorité fonctionnelle de l'académie, sont aussi responsables de « l’ensemble des personnes présentes dans l’école pendant le temps scolaire ». Encore une loi qui ne contente que celleux qui la font : personne, sur le terrain ne souhaite cela. Bien au contraire, c'est un allégement des charges administratives et davantage de temps de décharge que demandent les directeurs et les directrices; et c'est plus de collégialité que demandent les conseils de maitre·sses. Autoritarisme toujours avec la répression syndicale qui s'abat contre des collègues engagé·es : rappelons que nous attendons de voir annuler leur "mutation dans l'intérêt du service" par le tribunal administratif, comme ça a été le cas pour Hélène Careil en avril.
Gabriel Attal a beau jeu d'affirmer à coups de menton que « L'autorité est un préalable à toute transmission » lors de sa conférence de presse : ce n'est pas d'autorité que manquent l'école et les enseignant·es c'est de moyens, d'ouverture et d'imagination.
➜ Face à l'idéologie managériale du ministère, SUD éducation réaffirme que ce sont les discussions et les décisions collectives qui garantissent le bon fonctionnement des écoles.
➜ Pour les AESH, les AED et les enseignant·es, SUD éducation revendique des augmentations de salaire conséquentes, sans contrepartie et le dégel du point d'indice.
Une volonté de mise au pas de la jeunesse
En juin 2023, le gouvernement a annoncé aux organisations syndicales la mise en place du SNU (Service National Universel) sur le temps scolaire pour les élèves de seconde générale et de première année de CAP.
Des séjours dits de « cohésion » de 12 jours, se feront dans le cadre de projets pédagogiques (appelés « classes d’engagement »), avec un encadrement partagé entre éducation nationale, éducation populaire et militaires à la retraite. Lors de ces séjours, les jeunes apprennent à saluer le drapeau en chantant La Marseillaise, à se mettre au garde-à-vous, à obéir sans réfléchir, de 6h30 à 22h30, dans un rythme de vie insoutenable.
Derrière la cohésion sociale et l’entraide que le SNU est censé promouvoir se dissimule une tentative d’enrôlement et de militarisation de la jeunesse. Le SNU est un lieu où l’Etat peut déverser toute sa propagande militariste à un public captif, où l’on fabrique déjà du consentement à l’autoritarisme et à la violence.
L’imposition à toute une classe d’âge de valeurs qui encouragent l’obéissance et brutalisent les rapports sociaux est en totale contradiction avec la mission émancipatrice de l’Ecole.
LE SNU relève par ailleurs d’une inquiétante intrusion du militaire dans l’éducatif : par un décret de février 2023, son extension est confiée à une délégation placée sous la double autorité du ministre des Armées et de celui de l'Éducation et de la Jeunesse. Cet entrisme toujours plus important de l’armée au sein des établissements scolaires paraît particulièrement dangereux quand on le corrèle à l’augmentation constante du budget militaire. Il vise entre autre à recruter des jeunes dans l’armée car, comme le souligne un rapport du Sénat datant de 2022 « la professionnalisation de l’armée impose un effort particulier pour susciter de vocations ». Enfin, il est inadmissible de consacrer des millions d’Euros au SNU alors que l’on supprime des postes sur de seuls arguments comptable.
SUD éducation Paris demande l’abandon total du SNU que ce soit dans l’école ou hors l’école.
L'interdiction de l'abaya : un décret raciste, sexiste et islamophobe
Nous assistons dans la société entière, et dans l'Education nationale tout particulièrement, à la mise en place d'une politique de stigmatisation et de discrimination de nos élèves et enfants. Sous couvert de laïcité, il s'agit en effet de traquer tout signe d'appartenance supposée ou réelle à la religion musulmane. Sexiste (après la polémique sur les crop-top il y a deux ans, voilà une nouvelle tentative de contrôler les corps des lycéennes), ce décret est aussi islamophobe : il suffit d'écouter Emmanuel Macron faire le parallèle entre le port de ce vêtement et l'assassinat de Samuel Paty. Comment les responsables d'établissement désigneront-ils ce qui distingue une abaya d'une robe longue si ce n'est en se basant sur l'apparence ou le nom de celles qui les portent ?
Depuis la rentrée, la presse se fait l'écho des humiliations publiques subies par des élèves musulmanes ou supposées telles, prises à partie devant leur classe, dans la rue devant leur établissement par les chef·fes d'établissement. Ce n'est pas l'abaya que l'on traque, pas la laïcité que l'on défend : mais le corps des filles racisées dont on prend le contrôle et l'accès à l'école qu'on limite aux vêtements jugés conformes. Le "dialogue" prôné par la circulaire du ministère n'est en réalité que violence envers les élèves portant l'abaya où tout vêtement jugé "non-républicain".
Cette chasse aux abayas a pour conséquence d'exclure des filles musulmanes de l'école, que ce soit physiquement lorsqu'on leur en refuse l'accès, et de manière plus profonde, les élèves musulman·es se sentent de moins en moins accepté·es dans l'enseignement public.
De plus, cette situation met les personnels dans des situations difficiles, les enseignant·es, CPE et AED ne sont pas la police de l’Éducation nationale !
SUD éducation Paris revendique une école inclusive ouverte à toutes et tous peu importe l'origine sociale, ethnique ou culturelle, la religion ou le genre.
Le lycée pro sacrifié
La réforme que Macron a présenté comme un chantier majeur est entrée en vigueur à cette rentrée. Au programme : l'adaptation de l'enseignement professionnel aux besoins des entreprises et aux bassins d'emploi, l'allongement des périodes de stages pour les élèves, une "gratification" accordée aux élèves pendant les périodes de PFMP (Période de Formation en Milieu Professionnel).
Les "bureaux des entreprises" mis en place dans les établissements, censés créer des partenariats entre les LP et les entreprises et d'organiser les dates de PFMP, font entrer les intérêts privés des entreprises au coeur de l'enseignement public.
Il est également prévu que les élèves de Terminale soient divisé·es en 2 catégories : celles et ceux qui prévoient une insertion rapide sur le marché du travail verront leurs PFMP augmentées de 50%. Les élèves qui se destinent à continuer sur des études post-bac se verront proposer 4 semaines d'enseignements intensifs dans les matières pro et générale. On imagine déjà la difficulté pour les équipes pédagogiques d'accorder des enseignements différents au sein d'une même classe. Nous revendiquons une seule et même formation pour tou·tes les élèves d'une même classe.
Les élèves de lycées pro ne sont pas de la main d’œuvre bon marché pour les entreprises, et les PLP méritent mieux que ce que cette réforme leur réserve !
SUD éducation Paris revendique un enseignement professionnel public, égalitaire et émancipateur.