Une candidate au bac agressée lors d’une de ses épreuves & une déferlante de haine fasciste

Le jeudi 16 juin, alors qu'elle se présentait dans un lycée parisien pour passer une épreuve du bac, une candidate a été agressée verbalement et empêchée de passer son épreuve dans les temps et dans des conditions sereines au prétexte qu'elle portait un voile. Bien qu'elle l'ait retiré lorsque cela le lui a été demandé par la CPE de l'établissement, la candidate a été prise à parti pendant plus d'une demi-heure, et retenue à l'extérieur alors que l'épreuve pour laquelle elle se présentait débutait.

Pourtant, le vademecum d'application de la loi du 15 mars 2004 concernant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, est claire sur le fait que les candidat·es qui se présentent dans un établissement public pour passer un examen ne doivent pas a priori être considéré·es comme étant élèves de l'enseignement public. Mais surtout, la loi impose un dialogue avec les élèves. Les invectives verbales n'avaient donc pas leur place ici et constituent une entrave au droit de passer ses examens dans de bonnes conditions.

Cela étant dit, il est inadmissible que la CPE du lycée soit visée par des menaces de mort et que son identité ait été exposée sur les réseaux sociaux. Toute personne a le droit de se rendre sur son lieu de travail sans risquer de s'exposer à des violences et sans craindre pour sa vie. Ces méthodes d'intimidation sont celles de l'extrême-droite, que nous combattons, et il est intolérable de s'en emparer, même pour lutter contre toutes les idées réactionnaires que les fascistes et leurs complices portent sur la scène politique et médiatique. Car si nous nous retrouvons dans cette situation c'est aussi parce que comme à chaque fois qu'elle peut s'emparer d'un fait d'actualité pour faire sa propagande islamophobe et avancer ses idées nauséabondes d'affrontement civilisationnel, la fachosphère (l'extrême-droite active à travers des médias en ligne et sur les réseaux sociaux) s'est empressée d'instrumentaliser les témoignages autour de l'agression de la candidate. Dans un climat de violences grandissantes de la part de groupes d'extrême-droite (agressions, meurtres, projets d'attentats...) et alors que ses idées sont de plus en plus normalisées et acceptées dans des sphères politiques et médiatiques qui s'en font le relais, la vigilance est plus que jamais de rigueur pour ne pas tomber dans le piège d'une instrumentalisation visant à désigner et fabriquer un ennemi commun.

Enfin, convaincu·es que les débats d'idées, la circulation des points de vue et les échanges sont des éléments indispensables au progrès social, à la tolérance et à l'intercompréhension, nous relayons le communiqué écrit par des personnels de l'établissement Charlemagne, leur point de vue ayant été entravé par cet éternel épouvantail qu'est le devoir de réserve qui en l'occurrence ne s'applique dans la pratique qu'aux personnels d'autorité et est toujours brandi pour faire oublier la garantie, de niveau bien supérieur –légal et même constitutionnel–, de liberté d'expression des personnels.

 

Communiqué des personnels du lycée Charlemagne

 

Jeudi dernier plusieurs personnels du lycée Charlemagne ont assisté à une scène violente. Une élève portant le foulard qui se rendait à l’épreuve du baccalauréat sur notre établissement a été agressée par une CPE.

Alors que l’élève avait déjà retiré son voile à l’entrée du lycée, la CPE s’est mise à lui hurler dessus : « Tu enlèves ton truc, tu l’enlèves point ! Je me fiche de mon collègue et il peut y avoir des témoins, j’en ai rien a faire ! On rentre pas voilée ! ». Durant plusieurs minutes, la CPE l’a prise à partie et lui a crié dessus, refusant de la laisser entrer dans l’établissement, et ce alors même que son épreuve avait débuté.

Nous sommes profondément choqués de l’attitude de cette responsable envers une jeune lycéenne qui ne demandait qu’à passer son bac dans de bonnes conditions. De surcroît, la déferlante réactionnaire et les menaces qu’elle a reçue par centaines de la part de l’extrême-droite ajoutent au traumatisme.

Pourtant, auprès de la hiérarchie, c’est la jeune fille et ses soutiens qui sont pointés du doigt. Le 19 juin, un mail de notre proviseur adressé à l’ensemble des personnels de l’établissement rappelait en faisant référence à des témoignages anonymisés de personnels pour un journal indépendant, notre “devoir de réserve et de discrétion professionnelle” : une façon de nous enjoindre au silence face à une situation inacceptable. Largement dans la presse, il est reproché à ceux qui osent parler de mettre en danger la CPE, assimilant la dénonciation d’un acte profondément violent et islamophobe à de l’incitation à la haine à son encontre. L’Etat a réagi de la même façon en convoquant la lycéenne au commissariat. A l’inverse, pas un mot sur la déferlante réactionnaire émanant de l’extrême-droite contre la lycéenne sur les réseaux sociaux.

Nous ne céderons pas aux menaces et au mutisme, nous souhaitons prendre la parole et dénoncer les agissements violents dont plusieurs membres du personnel du lycée ont été témoins, et apporter notre soutien à l’élève. Nous dénonçons à nouveau cette agression et son instrumentalisation par l’extrême-droite qui s’inscrivent dans la continuité d’une offensive islamophobe initiée par le gouvernement. Un climat réactionnaire dont les élèves sont les principales victimes.

Puisque la parole ne nous est pas donnée, nous la prenons. Nous souhaitons réaffirmer notre plein soutien à l’élève, et à l’ensemble des élèves qui se rendent dans les établissements scolaires pour passer les épreuves du baccalauréat. Nous souhaitons accueillir les élèves dans des lieux où seul l’apprentissage et l’émancipation ont de l’importance. Les élèves doivent pouvoir venir dans les tenues qui leurs conviennent : trop couverts ou pas assez c’est à elles et eux de décider !

Des personnels du lycée Charlemagne