Notre déclaration liminaire pour le CSA du mardi 4 novembre

La déclaration liminaire lue par chaque syndicat avant une instance permet de porter un regard sur la politique actuelle, et de faire remonter ce que nous pensons du fonctionnement de notre académie. Voici la déclaration liminaire lue par SUD éducation Paris lors du dernier CSA, le mardi 4 novembre.

Mesdames, messieurs,

Bienvenu-es en France en novembre 2025 : l'Assemblée Nationale vote une loi sur proposition du Rassemblement National, rejette la proposition de loi sur la taxe Zucman qui aurait permis de faire contribuer les ultra-riches et de permettre à la France une politique fiscale un peu plus efficace et équitable. Mais rassurons-nous, nous avons pour la 7e fois en 3 ans un nouveau ministre. Edouard Geffray, directeur des enseignements scolaires depuis 2019 et soutien actif à l'éducation à la défense et au lien école-armée : mise en place du plan national de formation "éducation à la défense" en 2023 en partenariat avec le ministère des armées, le développement des classes défenses, classes à enjeux maritimes et les lycées engagés avec coloration "défense et mémoire" avec ouverture sur le SNU jusqu'à l'année dernière, ou encore la découverte des métiers de la défense dès le collège.

 

En cette rentrée 2025, la Région Île-de-France, sous la présidence de Valérie Pécresse, a confié la diffusion des manuels scolaires numériques de nos lycéen·nes à une société privée : « Pearl Trees ». Résultat : 18 millions d’euros d’argent public offerts au privé. Bolloré avait d'ailleurs racheté Hachette Livre il y a un an, le premier éditeur français, très présent sur les manuels scolaires. Résultat : il est l’acteur n°1 de l’édition scolaire en France, et cela lui permet de contrôler une grande partie de l’édition scolaire : Hachette, Hatier, Dunod, Armand Colin, Grasset. Les manuels scolaires ne sont pas de simples livres : ce sont des supports officiels de formation intellectuelle pour des millions d’élèves. Protéger leur indépendance et la pluralité des contenus est donc un enjeu majeur pour l’école et la démocratie.

En parallèle, Stérin œuvre toujours pour son projet Périclès, avec la Nuit du bien commun le 4 décembre aux Folies Bergères, grande soirée caritative au profit d'associations identitaires ou anti-avortement, mais aussi directement à l'école avec le financement de l’association Réseau des parents, sous couvert de soutien à la parentalité, ou encore via l'organisme d’éducation à la sexualité qu'il finance, appelé Lift, qui propose des programmes en ligne d’éducation à la sexualité destinés aux salles de classe mais aussi des interventions en classe. Ces associations se présentant comme neutres ont en réalité un discours réactionnaire concernant la sexualité, l’avortement mais aussi le modèle familial. La région Auvergne-Rhône-Alpes fait déjà partie de ses clients, mais aussi certains établissements privés parisiens.

 

Monsieur Noé, le 1e octobre vous vous êtes adressé par courrier aux chef-fes des établissements publics et privés sous contrat. Dans ce courrier, vous rappelez qu'à "compter de la rentrée 2025, dans un objectif d’amélioration de l’inclusion scolaire et de renforcement de la lutte contre les inégalités et les déterminismes sociaux, l’académie de Paris fait le choix d’intégrer pleinement les élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) dans les effectifs des classes dites ordinaires en collège, conformément aux directives nationales en vigueur." Quelques lignes plus loin, vous précisez cependant "certains des collèges concernés ne disposent pas du nombre de places vacantes suffisant permettant d’atteindre 24 places en milieu ordinaire. Ces collèges devront néanmoins accueillir jusqu’à 24 EANA comme c’était le cas l’an dernier. Dans certains cas, l’inclusion de l’ensemble des élèves ne sera pas possible immédiatement."

SUD éducation Paris constate que la promesse que des places d’inclusion réservées seraient garanties pour les élèves d’UPE2A n’a pas été tenue. Dans de nombreux établissements, il n’est déjà pas ou ne sera pas possible d’inclure l’ensemble des 24 élèves par manque de place dans les classes. Et pour la moitié des établissements concernés, ils savaient dès le mois de juillet que les places pour inclure seraient insuffisantes.

160 heures ont été supprimées pour "améliorer l'inclusion scolaire", et pour certains élèves d'UPE2A collège c'est la double peine : ils et elles ne disposent plus d'un enseignement adapté des matières générales, mais en plus ils ne sont pas inclus en classe ordinaire et sont donc scolarisé au mieux 18h par semaine. Je vous laisse juger de la conclusion de votre courrier : "Cette rentrée marque un très net progrès dans l’académie pour l’inclusion des élèves allophones dans les classes ordinaires. En cette année de transition, cette inclusion n’est cependant pas totale mais nous savons compter sur votre engagement et votre concours dans la poursuite de cet objectif." qui enjoint les collègues à en faire toujours plus : dépasser les effectifs normaux des classes, faire des heures en plus sans rémunération, pour palier aux manques du rectorat.

 

Notre syndicat utilise souvent les mots asymétrie, inégalité, maltraitance pour évoquer la situation des personnels et des élèves parisien-nes. Un tout autre substantif nous vient cette fois en tête : le mot décor.

Car qui dit décor dit envers du décor et le courrier concernant les élèves relevant du dispositif UPE2A illustre parfaitement la logique mortifère dans laquelle élèves et personnels se débattent.

 

Le décor c'est le programme d'éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle que nous saluons. L'envers du décor c'est l'absence de formation sur temps de travail pour détecter et agir contre les violences sexuelles faites aux enfants alors même que dans l'académie les remontées concernant ce type de violences se multiplient cette année. Et pour pallier ce manque de formation nous n'acceptons pas l'obligation faite aux personnels du 1er degré de se former en effectuant 6h de bénévolat en plus des 108h annualisées.  La lutte contre les violences faites aux enfants est un vrai sujet, pas un supplément d'âme étatique post Bétharram qui doit reposer sur le bénévolat obligatoire des personnels

Le décor c'est le DASEN 2 ou la secrétaire générale qui annoncent que les lycées pros accueillant des publics socialement fragiles verront leurs fonds sociaux abondés. L'envers du décor c'est être affecté au lycée Tirel où il faut débourser 500 euros pour acheter un équipement permettant d'effectuer son CAP alors qu'on est un MNA dormant dans un gymnase.

Le décor c'est avoir droit à un passe navigo gratuit sur remboursement quand on est un-e lycéen-ne parisien-ne. L'envers du décor ce sont les élèves dit-es MNA des lycées Corbon ou Abbé Grégoire ou de l'erea Edith Piaf qui, malgré les efforts de certain-es personnels (AS, intendante, prof-fes),  risquent des contrôles , des retards en classe, et, cela est malheureusement déjà arrivé, des gardes à vue parce que les chef-fes d'établissement dans lesquels ils et elles sont scolarisé-es ne semblent pas trouver important de demander des abondements de fonds sociaux pour faire des avances leur permettant d'avoir les passes navigos.

Le décor c'est la lutte contre les VSS. L'envers du décor c'est permettre à un chef d'établissement ayant reconnu des comportements inadaptés, c'est un euphémisme, de diriger un lycée professionnel où il n'y a même pas d'adjoint-e pour pondérer ses éventuelles récidives d'écart de comportement.

Le décor c'est l'égalité femme/homme proclamée comme prioritaire. L'envers du décor c'est imposer des heures de travail des mercredi après-midi ou en soirée dans une profession fortement féminisée. Ce sont aussi des écarts entre promouvables et promus qui pour plusieurs catégories de personnels restent à l'avantage des hommes. Ou une possibilité de congé menstruel toujours pas mise en place.

Le décor c'est la protection des enfants. L'envers du décor c'est l'omerta dans certaines situations. Ainsi l'an dernier une élève de primaire a été déplacée d'école car accusée de menaces et actes malveillants sur une professeure de la ville de Paris mais quand l'enquête policière a révélé l'innocence de l'élève, cela n'a pas été rendu public et elle n'a pas été réintégrée dans son école. L'envers du décor sur cette question c'est aussi s'entendre répondre que cela n'est pas du ressort pédagogique quand on parle à la hiérarchie des conditions de vie de certains enfants.

Le décor c'est la bienveillance affichée comme mot d'ordre. L'envers du décor ce sont les non-renouvellement de personnels contractuels de façon sèche et brutale sans que la formation qui leur est due leur ait été fournie ou bien encore l'humiliation de personnels qui ont eu l'impudence de s'opposer à un ou une supérieure hiérarchique.

Le décor c'est l'école inclusive. L'envers du décor c'est dire à une agente contractuelle qu'on ne renouvelle pas mère d'une enfant autiste que "Tout le monde a ses problèmes Madame"

 

Mais ne nous étonnons pas, le rectorat de paris est bien à l'image de cette fameuse expression "Le monde de Macron" où les mots n'ont plus de sens et où l'attachement au service public signifie avant tout l’assujettissement à une logique d'Etat où les ministres de l'éducation scolarisant leurs enfants dans le privé se succèdent et n'hésitent pas à se justifier en disant que "cela relève de configurations purement personnelles". Et oui, habiter à 1 h de transport de son lieu de travail c'est une configuration personnelle. Payer un ou une baby sitter le mercredi après-midi ou un soir de semaine pour faire une formation obligatoire aussi. Avoir une santé fragile, être en situation de handicap, être vieille ou vieux et ne plus pouvoir tenir le rythme imposé aussi.

 

Pour illustrer ce monde de Macron qui sacrifie les plus fragiles et explose sens des mots et valeurs d'entraide, nous finirons par une institution qui nous concerne toutes et tous et qui aujourd'hui est mise à mal. En cet automne 2025, la Sécurité sociale fête ses 80 ans. Née au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Sécu n’a cessé de subir des attaques qui l’ont affaiblie et ont ébranlé la solidarité sur laquelle elle repose, en particulier par la baisse de ces recettes via des exonérations de cotisations dont bénéficie le patronat. Le projet de loi de finances 2026 lance de nouveaux assauts contre la Sécurité sociale : en effet, Lecornu prétend redonner du pouvoir d’achat aux travailleur·euses en abaissant les cotisations sociales. Mais ces cotisations font pleinement partie de notre salaire, puisque ce sont elles qui financent notre protection sociale. L’argument du pouvoir d’achat qui sera ainsi rendu est fallacieux : la proposition de Lecornu consiste, dans les faits, à privatiser la Sécu en opérant un transfert des cotisations sociales vers un système d’assurance privé. Loin de fêter les 80 ans de la Sécu, la proposition de Sébastien Lecornu en signe la mise à mort.

SUD éducation Paris soutient le 100% Sécu, qui tient à la fois la reconquête de la Sécurité sociale de 1945 pensée par Croizat et de son aboutissement à travers l’extension de son périmètre et l’amélioration des droits. Car c'est tout autour de nous que nous voyons les effets de cette politique destructrice : jour de carence, baisse des indemnités journalières en cas d'arrêt maladie ou encore par le paiement d'impôts sur le revenu sur les indemnités d'arrêt maladie pour les personnes en ALD, sur une proposition par le gouvernement pour le budget 2026.